FILMS SUR L’ARCHITECTURE

FILMS SUR L’ARCHITECTURE
FILMS SUR L’ARCHITECTURE

L’architecture nous environne et sert le plus souvent de cadre à notre vie, ce qui implique sa forte présence au cinéma. Mais, pour que l’on puisse parler de film d’architecture, il faut que celle-ci soit le sujet, essentiel ou complémentaire, de l’œuvre considérée.

Ainsi, nous écarterons les films comme Brazil de Terry Gilliam ou 2001: l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, qui font de l’architecture un support externe à leur récit ou à leur action, c’est-à-dire un décor. Et nous nous attacherons aux films, longs ou courts métrages, de fiction ou documentaires, qui construisent autour de l’architecture leur vision et leur propos.

L’architecture dans le cinéma de fiction avant les années 1970

Si la notion de film d’architecture n’existe et ne s’élabore que depuis quinze ans, le cinéma, dès son origine, a été fasciné par la ville et ses architectures. En 1895, Skiadonowski tourne en Allemagne Vues de Berlin , et, en 1896, Promio invente le travelling pour Vues de Venise . Ces deux derniers films présentent des images de ville analogues à celles des védutistes des XVIIIe et XIXe siècles en ce qui concerne leurs rapports à la ville et à l’architecture.

Des auteurs de fiction parmi les plus éminents ont parfois entretenu une relation personnelle étroite avec l’architecture: Fritz Lang avait une formation d’architecte, S. M. Eisenstein celle d’ingénieur-architecte et Luchino Visconti celle de décorateur.

D’autres cinéastes de fiction ont réalisé, d’une certaine façon, de remarquables films d’architecture, soit autour de l’œuvre d’un architecte, soit à travers les formes de la ville. C’est ainsi que Joseph Losey a construit Don Juan autour des villas de Palladio et que Marcel Lherbier a demandé à l’architecte Mallet-Stevens de dessiner spécialement des décors pour L’Inhumaine . C’est ainsi qu’Alfred Hitchcock, dans Vertigo , a proposé au travers d’un suspense sa lecture de la ville, et que Wim Wenders a filmé la quête d’Alice dans les villes .

Dans un registre un peu différent, celui de l’urbanisme lié au social, Les Bâtisseurs (1937) seront l’occasion pour Jean Epstein de poser la question du logement dans le contexte de l’époque, et Hôtel des Invalides (1951), pour Georges Franju, de critiquer violemment la guerre.

Rapports de l’architecture et du cinéma documentaire avant 1970

Les films consacrés uniquement à l’architecture sont, jusqu’aux années 1970, des moyens et des courts métrages du genre documentaire. Le document historique à vocation touristique, produit par la direction des Beaux-Arts – Le Mont Saint-Michel de Maurice Cloche (1935), Ville d’or de E. Tchark (1946) –, côtoie l’instrument pédagogique ou didactique, produit par l’Institut pédagogique national: Équilibre de A. Gillet (1952), La Construction de Notre-Dame de Paris de A. Lartigue (1962). On trouve aussi parmi ces documentaires des films qui s’apparentent davantage à la monographie; ainsi L’Architecte maudit: Claude Nicolas Ledoux (1953), Le Corbusier, architecte du bonheur (1957) de Pierre Kast, Haussmann, ou les Transformations de Paris (1953) de Alain Resnais, Victor Hugo, architecte de Éric Rohmer.

L’essor du film d’architecture après 1970

À partir de 1970, une profusion de films ont pour thème l’architecture, la ville et la construction. La création et la multiplication de festivals et de rencontres sur le thème de «Cinéma et Architecture» témoignent de cette abondante production qui cherche encore ses objectifs et ses contenus. On voit ainsi en 1973 et en 1975 à New York des festivals internationaux de films d’architecture et d’urbanisme; en 1979 à Lausanne le Fact (Festival international du film d’architecture). Le mouvement s’amplifie en 1981, 1984 puis 1987 à Bordeaux avec le Fifarc (Festival international du film d’architecture, d’urbanisme et d’environnement urbain), en 1982 et 1983 à Turin, à Vienne, à Milan avec les rencontres autour du film d’architecture, etc.

Trois facteurs contribuent à cet essor: tout d’abord, il semble qu’un certain nombre d’architectes ayant pris conscience des rapports particuliers qu’entretient le cinéma avec l’architecture se soient intéressés à ce moyen d’expression; d’autre part, dans certains pays, au Canada par exemple, le besoin continuel de moyens et de courts métrages pour la télévision a trouvé à travers les thèmes de l’architecture et de la ville une réponse satisfaisant l’attente d’un large public. Enfin, les progrès techniques de la vidéo, plus souple, plus accessible et souvent moins chère que le cinéma, incitent nombre d’associations et d’organismes concernés par l’architecture, par l’urbanisme ou par la construction à l’utiliser pour concevoir et produire des documents sur ces thèmes. Cette prolifération entraîne une qualité inégale de la production et la diversité des aspects et des orientations des films d’architecture. Une classification exhaustive en est quasi impossible, mais on peut en dégager quelques aspects. Histoire: Chiffres venant de la lumière de B. Gamulin (Yougoslavie, 1982); monographies, architecture contemporaine: Kenzo Tange de C. Christov (Bulgarie) ou Kings of Infinite Space de R. Lough et C. Jencks (Grande-Bretagne, 1983); urbanisme: Une ville à Chandigarh de A. Tanner et J. Berger (Suisse, 1966); ethnographie: Architecture ibadite dans les villes du M’Zab de M. Roche (France, 1967), La Maison de Lung Ta de A. Moreau (France, 1980); sociologie: Ville à vendre de Frédéric Rossif (France, 1970), Pascal , 2e étage au fond de la cour de P. Bonnin et B. Desormeaux (France, 1970); patrimoine: Mons, l’ancien et le nouveau de C. Mesnil (Belgique, 1982); construction: Opération béton de Jean-Luc Godard (France, 1954), Des architectures de terre de C. Quinson (France, 1981). Cette esquisse de classification a mis en évidence toute l’ambiguïté du film d’architecture. Et les orientations des auteurs déterminent et nuancent encore le caractère de leurs œuvres. La description objective donne par exemple: Architecture de terre, l’avenir d’une tradition millénaire de C. Quinson (France), réalisé à l’occasion de l’exposition Des architectures de terre au Centre Georges-Pompidou à Paris en 1981. La démonstration ou la propagande peuvent aboutir au film de Jean Epstein, Les Bâtisseurs . Le film d’auteur, enfin, trouve un exemple d’actualité dans Traces de B.B.S. Production qui présente, sous forme de fiction futuriste, une création vidéo inspirée par l’œuvre de l’architecte Ricardo Bofill. En somme, la variété des concepts, des points de vue et des approches déporte souvent ces films dits d’architecture du domaine du cinéma ou de la vidéo à celui du discours sur l’architecture.

Problèmes de réalisation inhérents aux films d’architecture

C’est là que les réalisateurs se heurtent aux difficultés fondamentales du genre: l’architecture, par nature immobile, devenant l’objet d’un art de pur mouvement, le cinéma. D’où l’importance de la bande sonore et du commentaire pour expliquer et animer les images.

Cependant, certains réalisateurs surmontent ces difficultés, en particulier dans deux types de cas. Premièrement, lorsque le thème choisi permet de transformer le discours en récit: le temps joue alors un rôle essentiel. Ainsi le film de B. Gamulin, Chiffres venant de la lumière , primé à Bordeaux en 1984, a pour objet une petite église yougoslave, Sainte-Croix, bâtie au XIe siècle. Le scénario, basé sur le récit des jeux de lumière, révèle les espaces et les formes architecturales à travers l’évolution diurne et saisonnière de l’éclairement de l’église. Pour réaliser ce film, l’auteur a eu recours aux techniques propres au cinéma: l’enregistrement de la lumière et l’artifice de l’«accéléré». Pour Des fantômes de nos actions passées (France, 1986), M. Visier, primé à Bordeaux en 1987, met en scène le temps d’une toute autre manière en proposant la découverte de la villa Noailles à Hyères, dans un double registre de l’espace et du temps: l’un est extrait du film de Man Ray, Les Mystères du château de Dé (France, 1929), et l’autre est celui d’une promenade dans et autour de la villa, avant sa restauration actuellement en cours.

Le second cas concerne les films qui naissent du nouveau contexte de communication, créé par la rencontre de possibilités technologiques nouvelles en rapide évolution (le développement des images de synthèse) et d’une demande sociale croissante de concertation autour des problèmes d’environnement et de paysage architectural et urbain. Ce type de film en est à ses débuts, mais les premières réalisations sont prometteuses; nous citerons notamment: Port impérial, le palais sur l’eau (France, 1987), production de l’I.N.A., Archividéo-Archipel Film, réalisation E. Athanassios. Ce film offre une promenade anticipée, commentée par l’architecte Ricardo Bofill, dans un ensemble de deux mille logements qui doit être construit en face de Manhattan à New York. Le film Nemausus (France, 1987) tient, lui, davantage du film d’auteur grâce au travail sur l’image que permettent les techniques informatiques et électroniques employées pour la production d’images vidéographiques. Il s’organise autour d’un ensemble de logements sociaux construits à Nîmes par l’architecte J. Nouvel (réalisation J.-L. Léon, Production I.F.A. Diffusion).

Dans un autre registre, il s’agit ici d’une sorte de monographie; l’utilisation de tout l’arsenal technologique disponible a permis de produire le film Le Corbusier de J. Barsac (1987). La numérisation des séquences de films ou de bandes vidéo, réalisées du vivant de l’architecte Le Corbusier, a permis de restaurer ces images et de leur rendre leurs qualités visuelles de façon homogène. La production d’images de synthèse a rendu plus lisibles et plus compréhensibles pour les spectateurs non spécialistes certains projets non réalisés de Le Corbusier. La conjugaison des deux moyens a favorisé la création de ce véritable monument vidéo d’une durée de trois fois une heure. Ce film a pu être réalisé grâce à des financements institutionnels et à la participation technique massive de l’I.N.A. (Institut national de l’audiovisuel).

Il est très difficile, en France, d’évaluer, de façon même approximative, le nombre de films produits qui traitent de l’architecture, de la ville ou de la construction. Ces films bénéficient en effet de financements souvent complexes qui, pour une bonne part, proviennent des collectivités locales ou publiques. De plus, les producteurs en sont souvent des associations ou des structures parapubliques ou publiques, même si la production est signée par une société de production.

On retrouve fréquemment cette situation dans d’autres pays, et il ne faut pas oublier de citer à cet égard le rôle très efficace de l’U.N.E.S.C.O., notamment pour les films qui présentent les patrimoines architecturaux.

Cette étude, nécessairement incomplète, aura peut-être permis d’approcher la notion complexe de film d’architecture, ce genre fécond et en pleine évolution.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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